4/27/2009

Journal

Ce soir, j’ai dîné avec V et S, deux camarades de maîtrise. C’était dans un restaurant qui a pour spécialité de la soupe. Malgré l’ambiance agréable, les plats ont pour autant peu de saveur, comme la vie de ces derniers mois.

La préparation du mémoire nous a épuisés et enfin ennuyés. Il ne reste qu’un mois de la soutenance. Mais la perspective est toujours peu optimiste.

On parlait beaucoup, du mémoire accablant, de la difficulté de trouver un boulot, de « l’injusice » du sort. Et on revenait souvent au passé. Même le souvenir le plus sombre serait une oasis temporaire dans le désert du présent.

Envisageant la réalité, on se sent comme des enfants abandonnés. Etant donnée deux ans de maîtrise, on n’aboutirait pas à concilier le travail dur d’un mémoire et la pression du chômage augmentée par la crise économique.

Est-ce que c’est une erreur de poursuivre la maîtrise ? Oui et non. Car on n’a pas d’autres choix. Avec un diplôme de licence, surtout celui d’un établissement moyen, on aura de la peine à trouver un travail satisfaisant. Peut-être qu’on aurait plus de chances en tant que maîtrise. Mais alors ?

Je ne veux pas demander encore une fois ce que c’est le but de l’éducation de la maîtrise. J’espère seulement que tout va bien avec mes chers camarades.

4/08/2009

L’autre faim


Après avoir fini le premier jet de mon mémoire, je ne sentais pas le grand soulagement prévenu. Epuisé par un travail dur, un peu insatisfait du résultat final, et toujours perdu sur le problème de l’avenir.

Ce serait une sorte de faim difficile à assouvir et ce serait elle qui m’a fait souvent impatient, inquiète et solitaire. Est-ce que j’en souffre ? Sans doute. Est-ce que c’est une souffrance aussi grande que « la douleur d’être » ? Je ne pense pas.

Une réflexion après la lecture de Charles Juliet qui a évidemment éprouvé une telle souffrance. Quand j’ai ouvert la première page de son « l’Autre faim », je ne m’arrête pas. Une écriture qui me séduit, me charme et me satisfait. D’où aussi une angoisse : est-ce qu’on ne peut atteindre cette sérénité, cette douceur qui n’en est pas moins solide et ferme, sans les épreuves et souffrances similaires ?

Je trouve chez Juliet une lucidité différente de celle de Calaferte, rigoureuse et impitoyable à l’égard des massifications. Pour Juliet, ce qui compte plus, c’est toujours d’échapper du jongle du moi. Cela dit, tous deux ne sont pas déabusés, mais restent préoccupant par les autres et leur relation avec eux.

3/23/2009

Une bonne nouvelle

« A partir du 11 heures du 23 mars jusqu’au 2 avril, les salles de lecture aux 4e et 5e étages sont réservées aux professeurs qui vont corriger les papiers d’examen... »

Voilà ce que j’ai vu aujourd’hui sur un petit tableau noir devant la bibliothèque et juste au moment où je veux consulter quelques documents pour faire plus de progrès sur mon mémoire.

Bien, c’est une bonne nouvelle. Au moins, il faut l’avouer, c’est un choix « raisonnable ». Les avantages pour les profs travailleux sont innombrables : ces deux salles de lecture parfaitement climatisées et illuminées sont vraiment agréables et tranquilles ; sinon, il n’y aurait pas tant d’étudiants aller faire des études. Nos chers profs ne seront non plus ennuyés car là ils peuvent lire à leur gré, s’ils veulent, des bouquins de toutes les langues lorsqu’ils se lassent du travail dur. De plus, ils n’auront pas à se soucier de besoin élémentaire : la cantine est tout près et les gens sympa vont apporter tout ce qu’ils veulent à la porte, même à la table.

Pour certains étudiants, c’est aussi une nouvelle pas mal. Habituellement, il est difficile de trouver une place dans ces deux salles bien équipées, confortables et souvent comblées des filles et garçon assidus. Désormais, au moins pendant une bonne douzaine de jours, on n’aura pas besoin de se hâter pour occuper une place ou de se plaindre pour ne pas arriver plus tôt. Les salles leur sont entièrement fermées. Pas un étudiant n’aura de chance. Quelle belle prétexte encore pour ne plus faire ses études après le cours, car où pourrait-on le faire ? Dans le dortoir animé ou à la salle de classe vide ?

Donc, c’est une bonne nouvelle dont presque tout le monde sera content, sauf ceux qui veulement vraiment faire quelque chose...

3/13/2009

La correspondance entre moi et Calaferte continue...

Signe que le siècle s'est affardi par rapport au précédent: nous nous trouvons aujourd'hui face aux mêmes inquiétudes, aux mêmes interrogations, aux amorces des mêmes réponses aux mêmes questions dont il est impossible de se débarasser (Dieu est mort----mais toujours encombrant); toutefois, le ton a baissé, la sourde a été mise; on souhaite travailler dans le rembourré, le confortable, c'est-à-dire qu'on se promet à tous les glissements de la compromission----déséquilibre, désarroi, vertige pessimiste s'impriment alors sur un mond qui aurait davantage besoin d'incendiaires que d'escouades de pompiers.

Droit de Cité, Gallimard, p.28

Ps: demain je serai l'incendiaire dans l'examen de l'entrée en doctorat...
Ne vous en faites pas, chers monsieurs professeurs, c'est juste une blague.

3/12/2009

Note de lecture

Pour passer l’examen de l’entrée en doctorat, la lecture de l’histoire de la littérature française serait à la fois une catastrophe et un cauchemar. Tu te jètes dans un creuset en ouvrant un bouquin intitulé Littérature française, car jamais tu ne tiendrais compte parfaitement de ce que c’est le romantisme, et tu serais rapidement brouillé par les caractéristiques différentes de chacun des poètes du XIXe et du XXe sièceles, car tu n’as, peut-être comme moi, lu aucun poème de ces talents.

Mais l’histoire de littérature ne présente pas que les choses « démodées » ou « étranges » ; l’idée de considérer l’histoire comme un cycle peut aussi s’y justifier, au moins par les similitudes entre le passé et notre présent. Il suffit de voir la littérature du XIXe et du Xxe siècles, surtout le développement du romantisme au symbolisme puis au roman des années 1920-1930, pour trouver une correspondance sentimentale.

Le XIXe siècle (jusqu’au début du Xxe siècele) est marqué par l’essor scientifique et le positisme, mais dans la dimension spirituelle, il semble qu’il se trouve souvant dans une impasse. La société matérialiste et le contentement du progrès font dominer cette époque à la médiocrité. On voit un refoulement du mouvement de libido et une difficulté de trouver une sortie pour le désir et l’affection. Dès le commencement, le mal du siècle se diffuse sous forme de l’ennui, de l’énergie inemployée, de la marginalisation dans la société et de la nostalgie du passé. Bien que le romantisme constitue une réaction contre la pesanteur du classicisme et du rationalisme, la société de plus en plus pervertie par la richesse matérielle, comme le réalisme a dépeint, ne permet pas de trouver une voie satisfaisante dans la recherche spirituelle. Le révolte de Beaudelaire, de Rimbeau tiennent la réalité comme le tremplin et s’efforcent à travers les correspondances d’atteindre un état d’âme plus pur ; quant aux symbolistes, ce sont les images différentes et souvent obscures qui rendent service à la quête du Moi ; alors Nerval, quoiqu’il ne connaisse pas encore la découverte freudienne, a déjà commencé à porter ses regards vers le rêve et la folie.

Si le Xxe siècle est depuis son début marqué par le progrès de la psychologie, c’est parce que la découverte à l’intérieur de l’esprit, celle de l’inconscient, nous conduit à un nouveau monde et nous permet de nous livrer de la souffrance précédente. L’avènement de la nouvelle forme romancière en témoigne. Pourtant, aujourd’hui on se trouve de nouveau dans une crise au milieu d’une société non moins matérielle que celle du XIXe siècle, une société consommatrice dont l’instabilité est sans précédent où domine le succès de carrière ou de finance. Encore une fois et plus que jamais, nous nous sentons médiocre et ennuyé et menacé par l’incertitude. Est-ce qu’on doit attendre l’apparition d’une autre découverte grandiose ou une autre crise humaine pour se libérer ou se réveiller ? Avant d’avoir une réponse, on a à tâtonner peut-être longtemps dans les ténèbres les plus éclairées par la civilisation humaine.

Une réponse possible à mon article "Ecrlinf"

La poussée est si forte que ceux qui auraient tout lieu de s’en offusquer, au contraire pactisent avec elle par une sorte d’indulgence méprisante, ou par un silence qui se voudrait supérieur ; mais ce sont là attitudes de vaincus, qui servent la progression du mal, lui aplanissant le chemin.

Quitte à passer pour un utopiste, il ne faut pas cesser de s’indigner, de protester, de crier haut et fort que le roi est nu.

Louis Calaferte
Droit de Cité, Gallimard, collection folio, 1992, p.20

3/03/2009

Après Julia Kristeva

Une conférence me paraît toujours une situation d’accident qui regroupe tant d’éléments inattendus qu’elle ne peut satisfaire qu’une envie de renconter quelqu’un physiquement plutôt que spirituellement.

Même pour un personnage aussi renommé que Julia Kristeva, ça me donne la même impression : une parole raccourcie à cause du mal à la gorge, une chute de la chaise et une situation un peu chaotique dans la salle de conférence.

Heureusement, le discours que Kristeva aurait donné est imprimé avec une traduction et distribué à l’avavence. De là on voit, malgré la performance effective pas très satisfaisante, une préparation soigneuse et bien réfléchie qui nous est à la fois impressionante et inspirante.

Son discours se divise en deux parties qui, correspondant au titre « Une Européenne en Chine », concerne respectivement la Chine et l’Europe. Ce sujet se nuance en fait de la proposition invitante de M. Gao Xuanyang (prof de la philosophie française et directeur de la faculté de la culture européenne de l’Université de Tongji) sur la démocratie et la femme, mais s’approfondit ainsi en abordant le problème de l’identité.

Les deux questions posées au tout commencement qui ont déjà accompagné Kristeva à son premier voyage en Chine font écho dans mon esprit. Surtout la première qui interroge sur la raison de la particularité du communisme chinois. Mais cette particularité n’est pas perçue de la même façon pour elle et pour moi. Né dans un pays qui prône d’abord une voie canonique puis une voie à la chinoise du communisme, ce mot reste pour autant un mythe pour moi, alors que pour elle, c’est évidemment le communisme chinois qui est énigmatique. Si je veux de nouveau savoir les différences entre les communismes occidentaux et chinois, Kristeva cherche évidemment à éclairer cette question à partir de l’interrogation sur les conceptions traditionnelles chinoises et une subjectivité spécifique chinoise. Voilà sa deuxième question.

Cette fois-ci, après ses études longues de la sémiologie, de la philosophie, de la psychanalyse etc., elle revient en apportant plusieurs réponses qui pourraient éclairer cette question. Elle cherche à expliquer l’idendité chinois par le concepte de « li » qui regroupent tous les dichonomies ensemble ; et les intonations et caractères de la langue chinoise lui servent évidemment un point pertinent par excellence pour se rendre compte des relations sociales fortes existant entre les Chinois. Cela, comme un coup de foudre, me frappe à la tête : c’est génial de penser sous un tel angle et d’une telle façon !

Bien qu’elles soient impressionnantes, les explications données par Kriseva gardent toujours une distance, me semble-t-il, avec la réalité de la Chine. Elle parle dans la salle d’une université chinoise comme dans un cours de son université Paris XII. Si les questions qu’elle apportait dans son premier voyage en Chine restent toujours d’actualité, il semble apparemment qu’elle n’ait pas de nouvelles questions durant ce nouveau voyage. Et celu-ci, qui ne se réalise que 35 ans après le premier, a un sens jusqu’à maintenant inconnu autant pour elle que pour nous, car le changement se passe non seulement en Chine mais aussi chez cette femme. D’après moi, la complexité de la culture chinoise est toujours un miroir qu’elle utilise d’abord pour une compréhension enthousiaste de l’idéologie communiste puis pour une observation non sans inquiétude de la culture occidentale dont elle va traiter dans la deuxième partie de son discours.

Cette partie est plus difficile pour moi, faute d’une connaissance solide des pensées occidentales, mais ne satisfait peut-être pas mon cher ami O* qui veut comprend mieux l’idendité européenne et les problèmes dont il se préoccupe. Le mot-clé de sa parole est en fait clair, c’est la pluralité qui constitue son attitude à l’égard des problèmes réels et de l’avenir humain. Il est évidemment que Kristeva ne cesse de réfléchir du changement et du présent de l’Homme et de la société occidentale. Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les deux modèles de liberté qui nous promettent une voie de sauter de la causalité d’un monde du libre-échange en crise et d’une logique consomatrice. Ses constations sont immédiates dans une mondialisation de la crise et une crise de la mondialisation ; mais aussi historiques et critiques. Du moins, ce serait un bon exemple de réflexion approfondie.

Certes, ces opinions riches sont loin d’être les idées figées et doivent connaître une évolution au fil du temps. La conférence, en tant que situation d’accident pour moi, a pour objectif d’inspirer et dialoguer plutôt que d’enseigner. Ce qui restera dans mon cerveau peut-être plus longtemps que ces opinions-là, ce sont une envie, suscitée par Kristeva, de chercher le plaisir dans la découverte des énigmes de ma propre culture et identité. Je suis aussi beaucoup touché par le souvenir profond et l’admiration que Kristeva doit à R. Barthes qui justifie la plurarité par ses propres études et reste toujours le bon exemple de l’esprit critique pour moi.